Ce texte été publié en février 1987, mais la version originale est perdue; alors, j’ai traduit de la traduction anglaise (la partie appelé “Emergency Stop”), avec l’aide des amis. Évidemment, ce n’est pas exactement comme le texte original.
ARRÊT D’URGENCE (1987)
De la fin novembre 1986 à la mi-janvier 1987, tous les défenseurs de l’État ont agité le spectre de mai 68. Les étudiants ont déclaré que « 68 c’est vieux, 86 c’est mieux! » Et le ministre de l’interieur a lancé un appel pour la constitution de groupes de vigilance pour « défendre la République ». La presse a décrit un Chirac fou regardant les vidéos des discours de de Gaulle en 68…Et quand la grève sauvage des cheminots a commencé à s’étendre, le gouvernement a déclaré qu’il n’y aurait pas de nouveaux « accords de Grenelle » (ces accords c’étaient les miettes que L’État a jetées aux 10 millions de grévistes en 1968 et que les syndicats se sont exercé à faire passer comme une victoire alors même que le mouvement était menacé par une intervention militaire). Dans les derniers jours de la grève ferroviaire, alors que d’autres secteurs étaient également touchés par l’agitation, le patron du RPR (Chirac) a appelé à une manifestation anti-grève, sur le modèle de la manifestation gaulliste de fin mai 68.
Jusqu’à maintenant, les différents États s’étaient toujours efforcés de faire disparaître toute trace de révolution sociale, afin de faire régner l’amnésie. Le spectacle moderne, pour sa part, entretient de faux souvenirs. L’agitation sociale de la fin de 1986, et du début janvier 1987, n’avait absolument rien de commun avec la grève générale de 1968. Mais l’État n’a cessé de faire le parallèle. Il s’agissait de falsifier une menace réelle en lui donnant une dimension irréelle, de faire régner la confusion. Cette stratégie d’État était destinée à détourner et brouiller les esprits afin de masquer la nouveauté et le caractère moderne de la situation.
Si l’État a semblé battre en retraite – début décembre, face au conflit étudiant – c’est que ce qui était en jeu dans cette agitation inoffensive servait de prétexte à l’expression d’un mécontentement général. L’État a voulu couper court à cette possibilité en concédant aux étudiants une victoire dérisoire. C’est dans ce climat – où l’on avait le sentiment que quelque chose était en train de changer – que les cheminots se sont mis en grève.
La SNCF est une entreprise dont plus de 50% du capital est nationalisé. Ses actionnaires privés, n’étant pas majoritaires, bénéficient d’un avantage incomparable : ils ne perdent jamais d’argent, l’État compensant toutes les pertes lorsque leurs actions baissent.
Cette entreprise nationale est l’un des principaux bastions syndicaux du pays. La CGT (une filiale du parti stalinien) y est profondément enracinée. Sont également présents: la CFDT d’avantage moderniste, bastion de l’idéologie autogestionnaire, infesté de sociaux-démocrates, de curés et de gauchistes; Force Ouvrière, dont le secrétaire général Bergeron lance régulièrement des avertissements alarmistes aux autorités, certains syndicats corporatistes dits «autonomes», comme la FGAAC, qui n’ont que peu d’influence en dehors des cheminots
La SNCF est réputée en France pour être une entreprise en déficit permanent: au cours des dix dernières années, elle a perdu plus de la moitié de son volume de transport de marchandises au profit du transport routier.
Depuis deux ans, la Société offre des indemnités de licenciement proportionnelles aux années de travail: 20 à 30 mille francs pour moins de 5 ans et environ 120 000 francs pour 15 ans. Déjà, 20 000 personnes sont parties, et 40 000 départs sont prévues au cours des quatre prochaines années. Par contre, la SNCF n’emploie pas de nouvelles personnes et fait tout pour encourager les licenciements anticipés.
Il est clair que l’État veut rendre cette entreprise rentable en la «modernisant», et étudie la possibilité de privatiser certains secteurs. Pour les salariés qui sont déjà surmenés dans cette entreprise particulièrement hiérarchisée (certains disent que c’est encore pire que l’armée), cette poussée modernisatrice se traduit par une aggravation de leurs conditions de travail.
Cette grève a été remarquable par la rapidité et l’ampleur de son extension. Il y avait près de 180 000 grévistes sur 230 000 employés, durant les moments les plus forts de la grève. La presse n’a jamais révélé sa véritable ampleur. Dès les premiers jours, la grève s’est étendue comme une traînée de poudre. Les partenaires sociaux (L’État, les patrons et les syndicats), qui affirmaient être prêts à se rencontrer, se sont retrouvés impuissants face au développement soudain et incontrôlé des arrêts de travail.
Début novembre 1986, un conducteur non syndiqué du réseau Paris Gare du Nord a mis en circulation une pétition réclamant l’amélioration des conditions de travail des cheminots et la suppression d’un projet de barème des salaires basé sur la promotion au mérite. (La pétition menaçait également les syndicats de «subir les conséquences» s’ils ne soutenaient pas la grève). La pétition a rapidement reçu plus de 200 signatures. Seule la CFDT, dont la présence parmi cette catégorie d’employés est pratiquement insignifiante, a accepté d’annoncer une grève pour le 18 décembre. Très rapidement, plusieurs dépôts à Paris et dans les provinces se sont mis en grève illégalement, sans annonce préalable.
À partir du 20 décembre, les « sédentaires » (ceux qui ne travaillent pas dans les trains – employés des guichets, ouvriers d’atelier, ouvriers de la plate-forme, employés de bureau, etc.) se sont joints à ceux qui travaillent dans les trains. La grève des « sédentaires » était massive et les médias étaient particulièrement silencieux à ce sujet.
Les grévistes étaient déterminés à ruiner le projet d’un baromètre des salaires et de la promotion au mérite car un tel projet rendait les salaires encore plus incertains qu’ils étaient déjà avec l’ancienne jauge (où les listes d’attente pour la promotion sont très longues): la promotion aurait dépendu du degré de docilité et de la soumission à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques. « Ils veulent que nous nous inclinions devant le patron du bureau, ils veulent que nous soyons des lèche-culs » (un gréviste). Pour les «sédentaires», qui sont moins payés que ceux qui travaillent dans les trains, le problème des augmentations de salaire s’est posé de manière plus cruciale. En règle générale, il n’y a pas eu d’augmentation depuis 2 ans dans le secteur public et les fameux « privilégiés » de Chirac ont le privilège de travailler pour la SNCF pour un salaire proche du salaire minimum légal ou pour un peu plus pendant les nuits, les dimanches et jours fériés passés à la galère. Telles sont les obligations d’ un « service public »!
Les différents comités de grève et les nombreuses assemblées générales ont appelé dès la première semaine à la coordination des différents secteurs et zones de grève afin de développer une meilleure circulation de l’information et une utilisation plus efficace de leurs forces. La volonté de s’organiser directement, sans intermédiaires syndicaux, était la caractéristique des premières assemblées. Contrairement à ce qui s’était généralement passé dans le passé, ce n’étaient pas les syndicats qui convoquaient des assemblées et les assemblées qui renonçaient à toute initiative et pouvoir de décision, mais les cheminots, syndiqués ou noni, qui formaient des assemblées.
Dans certains dépôts (et toujours à Paris Nord), les staliniens ont été expulsés. Cette suspicion à l’égard des syndicats était, en grande partie, due aux diverses intrigues du passé, et en particulier aux grèves « saucisses » inutiles et épuisantes, la spécialité de la CGT, consistant en des grèves de 24 ou 48 heures pour réclamer un bonus, l’équivalent de ce qui a été déduit de son salaire, que la prime ait été accordée ou non. Dans le passé, certains mouvements, indépendants des syndicats, comme la grève sauvage de 1984 (voir le texte français “Décontrôle d’aiguilles”ii) ont été sabotés par l’appareil syndical.
Mais malgré la suspicion à l’égard des syndicats et la volonté de contrôler la grève par des assemblées, cette grève n’était pas anti-syndicale. Très vite, le souhait de certains grévistes de ne pas utiliser les syndicats, même en tant que moyen de négociation avec la direction, s’est trouvé confronté au refus de la direction, dont la seule intention était de négocier avec les représentants syndicaux élus. La coordination nationale des conducteurs de train et la coordination inter-catégorielle de Vitryiii ont rapidement accepté de se servir des syndicats comme de simples organes de transmission d’informations entre la direction et eux-mêmes, affirmant leur volonté de les contrôler rigoureusement : pour cette raison ils se sont appelés « syndicats-taxis ».
À Paris-Nord, les conducteurs de train étaient si unis qu’ils ne voyaient pas la nécessité de tenir des assemblées ou de voter sur la poursuite de la grève. Ailleurs, soit par un vote à main levée, soit par un vote à bulletin secret, un vote a eu lieu tous les jours montrant partout une majorité massive pour poursuivre la grève tout au long de sa duréeiv.
Dans les assemblées, des délégués ont été désignés pour former des représentants de différentes gares et dépôts ferroviaires dans le réseau de coordination. Avec certains, il était clairement indiqué que les délégués étaient révocables, mais avec d’autres, la question ne semblait pas se poser. Certains grévistes ont critiqué le principe même de la délégation comme pouvant constituer et devenir une autre forme de pouvoir.
Les militants de toutes sortes – des gauchistes aux syndicalistes traditionnels, ou ceux qui ont rompu avec le syndicalisme, même certains éléments non syndiqués – ont cherché à emprisonner, dans une formule néo-syndicaliste, toute l’excitation, la recherche, l’élaboration de nouveaux modes de lutte qui agitent les gens. Ils espéraient une occasion leur permettant de prendre le contrôle de ce mouvement, tout à fait nouveau en France.
Les différences de section ont persisté tout au long de cette grève. Dans certains dépôts, les cheminots ont eu du mal à tolérer la présence du personnel de la gare – sous prétexte qu’ils étaient sous le contrôle du syndicat, qu’ils étaient en retard ou que leurs demandes étaient différentes et risquaient d’engloutir les leurs. Souvent, même dans les mêmes gares, différentes assemblées générales étaient organisées séparément, comprenant le personnel de la gare, les cheminots et les gardes. Ensuite, après la tenue de chaque assemblée, il y avait une consultation mutuelle pour connaître les résultats du vote et les actions proposées. Cela n’a pas empêché les différentes catégories de cheminots de Montparnasse, Gare de Lyon et St Lazare de mettre en place des piquets de grève sur les voies ensemble.
Dans cette nouvelle situation, où tout restait à découvrir, les grévistes se trouvaient confrontés au poids du passé et aux manipulateurs sournois d’autrefois prêts à se regrouper au moindre indice d’un affaiblissement. Lors d’une des dernières assemblées, un gréviste de la gare Saint-Lazare observa avec justesse : « Au départ, l’assemblée générale a été la force des mouvements mais elle n’a pas su aller de l’avant. » Et si, au début, particulièrement parmi le personnel de la gare, les assemblées n’étaient pas convoquées par les syndicats, ceux-ci entraient rapidement et les contrôlaient – ou tentaient de le faire. À Montparnasse, la CGT se relayait pour lire de longs discours (que les grévistes appelaient «la Messe») destinés à endormir l’assemblée et, à travers des généralités abstraites sans fin, à fatiguer les gens.
Mais si la CGT n’a pas rempli les assemblées d’enthousiasme, rencontrant généralement l’indifférence des grévistes (hormis là où ils étaient majoritaires, comme dans certaines villes du Sud) anti-staliniens et autres qui avaient bien compris quel était le jeu des staliniens et ne l’aimaient pas, n’ont pas pu lancer une contre-offensive. De même, les archaïsmes de section et le comportement général de rejet des cheminots envers les autres qui n’étaient pas des «cheminots» doivent être considérés comme des facteurs limitant le mouvementv.
Un pique-nique pour la nouvelle année: fête de grévistes sur les rails
L’État a réagi de manière décisive en refusant de céder un pouce, insistant entre-temps sur le fait que les grévistes ne cherchaient qu’une augmentation salariale (une fois le système des salaires au mérite abandonné en prévision d’un nouveau projet qui sera mené conjointement avec leurs partenaires sociaux et syndicats). En faitt, les grévistes avaient surtout attiré l’attention sur leurs conditions de travail. Seul le personnel de la gare avait mis l’accent sur une augmentation de salaire – cependant, cela n’a jamais été mentionné….
La tendance à l’auto-organisation des grévistes se heurte à l’intransigeance de l’État, qui doit avant tout combattre et détruire cette menace. Afin d’imposer une présence syndicale, le conseil d’administration de la SNCF a avancé des conditions préalables de négociation inacceptables telles que la reprise immédiate du travail. Seguin, le ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, a pu affirmer à l’époque « la lutte actuelle démontre l’opportunité qui existe dans un pays comme le nôtre de disposer de syndicats forts et responsables ». L’État, surpris d’abord par le caractère sauvage de la grève, choisiteut vite de faire traîner les choses, persuadé qu’une grève longue épuiserait la combativité des grévistes. Ils ont attendu le 31 décembre au soir avant d’annoncer que le système prévu de « salaire au mérite » avait été retiré et que, par la suite, des négociations sur les conditions de travail étaient en cours.
Les cheminots ne sont pas des étudiants. L’ensemble du réseau ferroviaire, ainsi que la gare et les principaux points de croisement avaient été occupés par des travailleurs du rail. Les staliniens de la CGT ont proposé (en vain) que les grévistes retirent les trains en grève pour que les vacanciers bloqués puissent rentrer chez eux. Ils ont utilisé depuis le début l’impopularité des grévistes comme prétexte. Afin de faire respecter le « sacro-saint droit au travail », les flics descendirent sur les piquets, expulsèrent les grévistes des gares occupées et, dans certains endroits, sont allés aussi loin que de vérifier les billets des passagers (souvent les passagers en file d’attente sont encerclés par des policiers armés). À la Gare de Lyon, des grévistes ont bloqué les guichets en criant : « C’est gratuit, c’est gratuit » vi. Confrontés à l’impossibilité de monter des lignes de piquetage et de maintenir les occupations, de nombreux actes de sabotage (il serait plus précis de les qualifier d’actes perturbant le mouvement du matériel roulant) ont eu lieu: des aiguilles ont été bloqués avec des pierres, des feux étaient mis au rouge, les postes d’aiguillages ont été mis hors service en enlevant l’équipement essentiel. Des escouades de grévistes arrêtèrent les trains en pleine campagne et les freins furent sabotés.
Mais les cheminots en colère savaient qu’il serait difficile par la suite d’obtenir une victoire. L’État ne traite pas les travailleurs comme il traite les futurs managers, ce que sont les étudiantsvii. Au moment où la grève commençait à s’effondrer, ce furent les staliniens qui semblèrent aller jusqu’au bout. Ce virage comique intransigeant devait donner l’impression qu’ils étaient les plus radicaux.
Contre toute attente, les cheminots sont retournés au travail dans un état d’esprit confiant renforcé par le caractère exemplaire de leur mouvement et de leur expérience. Comme certains l’ont affirmé: « Vous voyez, nous n’avons rien gagné viii, mais nous avons créé un précédent en montrant que nous étions capables de mener une longue grève à l’extérieur du syndicat. »
Par sa qualité exemplaire, le mouvement a créé dans ce pays un précédent incomparable.
Cette période est caractérisée par le désir de faire valoir que les travailleurs salariés sont privilégiés, comme ils voulaient auparavant faire croire qu’ils étaient des individus libres. Jusqu’à présent, ce privilège était lié à l’inévitabilité de la pauvreté et fut successivement décrit comme nécessaire et inévitable. Mais pendant cette grève, cette pseudo-fatalité s’est révélée être à la fois un plaidoyer et une menace dans la bouche des fonctionnaires de l’État. Le mensonge est révélé – une arme forgée pour contenir l’insatisfaction des pauvres. L’État pariait sur une impopularité qui aurait pu isoler les grévistes. Cela ne s’est pas passé comme ils l’avaient espéré. Lorsque la grève des chemins de fer s’est durcie début janvier, d’autres secteurs (bus et métro à Paris, marins, électricité, gaz et postiers) se sont mis en grève. La confusion qui entoura ces grèves, une confusion largement orchestrée par les staliniens, en réduit la portée mais ne parvint pas à effacer totalement les notions d’auto-organisation remises à l’ordre du jour. Les cheminots qui se mettent à collecter de l’argent dans les gares reçoivent en peu de temps des sommes considérables ix.
Le consensus qui régnait en ce qui concerne les étudiants n’existait pas pour les cheminots. En novembre – décembre, tous les merdeux imaginables rivalisaient entre eux pour faire l’éloge des etudiants et leur donner des conseils. En janvier, c’était exactement le contraire. Lors d’une manifestation à Paris dans un quartier de bureaux, il était étonnant de voir comment les cadres moyens insultaient les grévistes tandis que, au contraire, les employés les encourageaient par des applaudissements.
Les médias, si pleins d’éloges un mois auparavant, se sont maintenant fait beaucoup d’ennemis. Dans un dépôt de chemin de fer, des journalistes, à la recherche de nouvelles à falsifier, ont été approchés par un type qui leur a dit: « Si vous voulez parler à quelqu’un, restez tranquille, je vais chercher mon chien. »
Quant au mécontentement et à l’impopularité que provoquait cette grève, il provenait manifestement de cadres moyens, de commerçants, d’industriels, de financiers et de politiciens – toutes ces ordures avares, comme nos compatriotes « Enragés » les décrivirent en 1793.
La, Lou et Al.
Paris, début février 87.
Traduit de l’anglais par N., D. et X.
Notes de bas de page
i Dans les nombreuses assemblées, et plus particulièrement celles qui travaillaient dans les trains, on demandait que les travailleurs syndiqués participent en leur nom propre.
ii DECONTRÔLE D’AIGUILLES
La fraction syndicale de l’État social-démocrate français avait programmé, au sein de la SNCF des journées de grèves tournantes et perlées selon le risque d’explosion de la base locale. Cette manœuvre de printemps, destinée à consommer dans l’impuissance et l’isolement tant l’énergie, l’argent, que le moral des PROLETAIRES DU RAIL, avait pour but officiel d’obtenir l’application des 35 heures avec embauche sans perte de salaire.
La plupart des salariés, à qui la CGT et ses consorts proposaient une grève nationale de l’entreprise le 25 mai, savaient bien avant, que cet objectif serait partiellement atteint, et que la réforme entrerait en vigueur à partir du 2 juin 1984 pour s’accomplir à moyen terme. Ils n’ignoraient pas non plus que les technocrates avaient tout mis en œuvre pour en supprimer les maigres avantages, aggravant de fait les conditions de travail.
Aussi le COUP DU 16 MAI est-il l’expression d’une insatisfaction ILLIMITEE qui a désarmé le mensonge réformiste et décapité son personnel syndical. Les fumiers d’État ne peuvent se moquer indéfiniment des nécess~iteux sans s’exposer à des ripostes de taille !
La grève de l’après-midi du 16 mai sur la banlieue de St. Lazare fut une GRÈVE SAUVAGE. À la plus grande fureur de leurs patrons ET de leurs syndicats, les employés chargés de la sécurité de la circulation des trains de la gare d’Asnières ont tout arrêté (en fermant les signaux), suivis peu après par leurs homologues de St. Lazare. Les réactions furent aussi brutales et maladroites que le coup était puissant. L’État-SNCF expédia les casqués faire le siège d’Asnières puis nettoyer les abords de la gare St. Lazare, des porcs-bâtards qui menaçaient de casser la gueule aux aiguilleurs. La CGT désavoua immédiatement les auteurs de ce TROUBLE À L’ORDRE PUBLIC, et tous ses GROUPUSCULES locaux qui, la veille même’ soutenaient des appels à la grève illimitée, accusaient les grévistes d’être manipulés par le patronat. À cet égard les ouvriers de Talbot-Citroën se sont bien battus. Le niveau le plus haut atteint dans la lutte du compte-à-rebours que leur imposait le capital s’est re-trouvé IMMEDIATEMENT dans ce début prometteur.
En cherchant à les isoler par la procédure stalinienne désormais classique, la CGT a confirmé auprès de nombreux salariés que sa tâche est PRINCIPALEMENT POLICIÈRE. Les crapauds de la CFDT tout en légitimant le mécontentement des travailleurs condamnèrent prudemment la forme qu’il prenait et proposèrent de l’adoucir techniquement jusqu’à la rendre inopérante et ridicule.
La colère de quelques prolétaires du rail, désabusés à force d’être humiliés par le mensonge réformiste d’État, prenant de vitesse tous les bureaucrates et leurs calculs, fait apparaître le point de non-retour à partir duquel se produiront les prochaines OFFENSIVES des salariés. Dans une telle entreprise~ réputée forteresses syndicale, c’est un fait nouveau et exemplaire qui s’est produit. L’insatisfaction s’est concentrée pour atteindre une forme autonome. Elle n’est plus désarmée.
– Des prolétaires du rail, Paris, aout 84
– d’ici, Page 9
iii Une co-ordination mené par des Trotskyistes pour toutes les catégories des travailleurs de SNCF.
iv Malheureusement, dans au moins une gare, même une notion formaliste de la démocratie n’a pas été respectée : vers la fin de la grève, et la minorité non négligeable a voté pour retourner au travail. Lorsqu’on leur a demandé s’ils respecteraient les vœux de la majorité, ces jaunes potentiels ont dit qu’ils ne le feraient pas, qu’ils avaient franchi les lignes de piquetage. Au lieu d’affronter violemment ces racailles, l’assemblée a effectué un nouveau vote manipulé par le syndicat CFDT, et a voté trop tôt pour retourner au travail. (Note du traducteur).
v Exemple : certains partisans de la grève ont reproduit 3 000 exemplaires d’un appel aux autres travailleurs réalisé par la Coordination inter-catégorielle. Ils se rendirent à la gare d’Austerlitz, où cette coordination dominée par les trotskystes était particulièrement influente, et présenta les tracts à divers conducteurs. Ils étaient complètement indifférents, disant que les tracts, bien qu’adressés aux travailleurs sans rapport avec la SNCF, étaient destinés uniquement à la consommation interne de la SNCF. Ils les ont ensuite accusés d’être des provocateurs et les ont forcés à s’enfuir pour sauver leur vie.
vi Voir ce tracte, distribué à la Gare du Lyon :
Les cheminots en grève s’adressent aux PASSAGERS.
Depuis plus de quinze jours, les cheminots se sont mis en grève pour obtenir les revendications suivantes :
– le retrait définitif d’un barème des salaires « “selon le mérite », c’est-à-dire que seuls les animaux de compagnie des patrons seront promus ;
– l’amélioration des conditions de travail, la suppression des contrôles de santé répressifs ;
– la négociation de propositions sérieuses concernant les salaires et la récupération des salaires perdus en 1986.
Pendant plus de quinze jours, une grande majorité de cheminots ont été impliqués dans des actions de grève. Ce que cela signifie pour les passagers, c’est que les trains qui circulent le font dans des conditions dangereuses :
– les trains sont actuellement conduits par des chefs de bureau ou des chauffeurs [leurs comparses] sans réelle connaissance des lignes sur lesquelles ils s’exécutent.
– l’entretien des voitures et des TGV ne peut plus être garanti dans des conditions de sécurité suffisantes.
– d’autre part, l’état des voies ne correspond plus partout aux critères exigés par les règles.
PASSAGERS – VOUS VOYAGEZ DANS DES CONDITIONS DANGEREUSES.
Dans ces conditions, il n’est plus possible pour les passagers de payer un billet, ce qui est censé garantir des conditions de transport correctes.
Il n’y a plus d’inspection des billets dans les trains.
Il n’est plus possible d’acheter un billet sans attendre des heures à la billetterie.
Les grévistes ne souhaitent qu’une chose : que les passagers puissent voyager dans des conditions normales.
La direction du chemin de fer, compte tenu de sa position, opte pour le contraire.
Ce sont eux qui prennent la responsabilité du conflit.
PASSAGERS –
NE PAYEZ PLUS POUR LE TRAIN.
vii Cela a changé depuis – jusqu’aux années 1990 l’accès aux facs était bien plus limité qu’aujourd’hui.
viii Ils ont réussi partiellement : le système prévu de « salaire au mérite » avait été retiré.
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